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Triangles de chair et de cire

11 Novembre 2016, 10:45am

Publié par Claire Mazaleyrat

La femme de transition

La poupée de Kokoschka, Hélène Frédérick, Verticales, 2010
Les Hortenses, Felisberto Hernandez, traduit de l’espagnol par Laure Guille-Bataillon, Denoël, 2005
La Desdichada, dans Constancia et autres histoires pour Vierges, Carlos Fuentes, traduit de l’espagnol par Céline Zins, Gallimard, 1992

 

Trois récits de poupées dessinent ici des figures complexes autour de lignes de tension ou d’axes de symétrie apparents, révélant à travers ce thème une riche réflexion sur le désir et ce qu’il fait de son objet. Au-delà du fantasme prétendument masculin d’une « femme-objet » réductible au désir qu’elle suscite, à sa plastique, muette et manipulable à merci, la poupée, mannequin ou marionnette, apparaît comme l’expression des ambiguïtés du désir et des rapports qu’ils établissent entre ses protagonistes, entre la personne « réelle » et les personnages de ses fictions.

La Desdichada raconte une blague d’étudiants : Bernardo voit dans la vitrine d’un magasin un mannequin qui le séduit, et qu’il rapporte dans l’appartement qu’il partage avec son ami Tonio. Les deux étudiants jouent à habiller la Desdichada, à la traiter comme la maîtresse de maison, et l’aiment de la projection de leurs désirs, jusqu’au moment où la plaisanterie érotique finit par troubler leur amitié et qu’il faut se débarrasser de la figure de cire. A tour de rôle, la narration est prise en charge par les deux amis, dans un aller-retour entre le passé de cette amitié et le présent des deux hommes faits, dont la figure de la poupée grandeur nature semble avoir révélé les failles et l’irruption du temps, alors qu’elle-même semblait figée dans une éternité minérale.

Dans « Les Hortenses », c’est un couple qui est mis en scène : Marie et Horacio s’amusent à créer des scènes vivantes avec des poupées grandeur nature, qu’ils exposent dans des vitrines pour leur plaisir et celui de leurs invités. Parmi ces poupées, l’une d’elles est à l’exacte ressemblance de Marie, qui s’amuse à jouer des tours à Horacio qui confond sa femme et son effigie, au point que le jeu amoureux débouche sur le trouble, puis la passion d’Horacio pour la poupée, qui cherche à la rendre de plus en plus vivante, à mesure qu’il délaisse Marie, et que des couples de doubles, que la chair réelle et celle fantasmée des mannequins s’accumulent dans la maison aux sombres couloirs.

Enfin, le très beau roman d’Hélène Frédérick, La Poupée de Kokoschka, évoque l’Allemagne plongée dans la Première Guerre Mondiale, à travers le journal de travail, de plus en plus intime, d’une marionnettiste sommée par l’artiste Oscar Kokoschka de réaliser la poupée –« le fétiche »- de sa bien –aimée Alma Mahler, qui l’a quitté, et dont il fait son deuil à mesure qu’Hermine avance dans un travail de plus en plus douloureux, et qu’elle tombe amoureuse d’un peintre qui se désintéresse de l’œuvre qu’il l’a sommée d’exécuter.

Les trois récits ont ceci de commun qu’ils mettent en scène à travers la poupée le passage du jeu à la violence amoureuse, les rapports entre la créature et son créateur, comment le désir de ce dernier qui donne forme à la « chose » et l’anime finit par s’inverser, et surtout, c’est à mon sens le plus troublant, comment ce rapport entre l’homme et l’objet de son désir, la poupée, n’est pas tant une simple réflexion sur les fonctions d’objet et de sujet, sur le fantasme de posséder l’autre, que des triangulations : dans chacun de ces récits, l’homme et la poupée sont au moins trois personnages ; cette multiplication des axes de symétrie contribue donc à complexifier la réalité du désir et de ses obstacles, mais aussi des rapports qui s’instaurent entre objets et sujets, entre amants et aimés, entre la main et le regard.

 

Inversions et jeux de dupes

Alors qu’Horacio, les héros des « Hortenses », a fait voiler tous les miroirs de la maison pour ne pas croiser son propre « visage de cire », accusant son propre statut d’objet inanimé dans une maison qu’animent les Hortenses, sa femme Marie-Hortense et la poupée Hortenses, par des jeux et des spectacles, le regard de la Desdichada semble réduire celui des deux jeunes hommes qui le croisent dans leur appartement à leur propre insignifiance.

Plus troublante encore la poupée de Kokoschka, qui vit avec Hermine et se déploie sous ses mains, alors que l’artiste qui l’a commandée ne la voit jamais, ou si peu, et s’en désintéresse peu à peu. La vraie femme, Hermine, est l’artisan de l’œuvre pensée par l’artiste, mais elle est aussi modèle pour gagner quelques pommes de terre, et offre souvent son corps aux hommes de passage pour survivre : elle est plus « poupée », en tant qu’objet du regard et du désir, et surtout en tant qu’objet transitionnel pour l’artiste qui se sert de son corps et de ses mains, que sujet, parce que la poupée qu’elle fabrique envahit l’espace, et celui de ses pensées. En effet, la poupée devient à son tour objet transitionnel du désir pour Hermine, qui s’éprend de l’artiste qui lui a passé commande, et souffre de son indifférence. Paradoxalement, elle redevient pleinement sujet par la forme de son récit, journal intime dans lequel elle livre ses sensations et ses passions, et qui dresse d’elle le portrait d’une femme indépendante au cœur des tourmentes de la guerre.

Les dédoublements ne constituent pas une symétrie parfaite de la femme réelle et de son pendant artificiel, puisque les poupées acquièrent une autonomie qui échappe à leur démiurge, et surtout que leur existence révèle dans le réel des rapports ambigus, douloureux, entre les personnages de chair et de sang qui s’entrecroisent dans le récit : « Une commotion sur la piste, un cri discordant, des mouvements confus, des corps endoloris, des voix violées », écrit Fuentes dans La Desdichada, évoquant un moment de spectacle, où le narrateur regarde une scène de danse, un paso-doble, qui se désarticule dans un tumulte désaccordé, défaisant l’harmonie du couple avant que la scène de penche vers l’obscurité.

Ce que saisissent en effet les romanciers de ces récits, c’est cet instant fatal du basculement de la passion  au sens étymologique qui en fait une souffrance avant d’être un émerveillement amoureux, et le début d’un dédoublement de la réalité vue au prisme d’un désir qui semble presque tangible.

 

 

La soie et le sang

 

Le corps est morcelé, décomposé et pourtant merveilleusement reconstruit par le regard amoureux dans ces récits qui interrogent sans trêve le rapport entre l’être de chair et la personne qui l’habite, ou qui est ce corps, inversant les rapports traditionnellement accordés à l’âme et à son enveloppe charnelle. Le corps est la personne, dans ces récits, alors même que les personnes de chair apparaissent comme des pantins désarticulés, des fantômes fatigués d’errer.

Non seulement parce qu’Hermine finit par défigurer la poupée de Kokoschka sous ses propres caresses, faisant d’elle un monstre et l’image de cette passion monstrueuse de la « femme de transition », celle qui prête ses mains et tout son corps, comme instrument, au créateur ; mais le don de soi du modèle, de l’artisan et de la femme est ensemble mêlé dans une acceptation artistique et amoureuse à l’autre, qui transforme l’outil en chair palpitante, infiniment aimable –ne serait-ce que pour le lecteur, voyeur de cette intimité des rapports qui s’établissent entre les personnages sous le prisme des confessions d’Hermine. Elle avait déjà donné corps à sa figure, à travers la goutte de son sang essuyé derrière l’oreille de la poupée, qui exprime à la fois la filiation entre la femme et sa poupée-fille, la sacralisation du fétiche que l’on dote d’attributs humains, et la souffrance que lui coûte le travail :

« Ce matin une aiguille à coudre m’a piqué le doigt pendant que je travaillais au visage du fétiche. Voilà un secret : j’ai imprimé un peu de mon sang derrière une oreille. Une forme de signature, quasi invisible : vous ne pourrez pas m’en vouloir » (p. 132), avoue-t-elle à un « maître » plus fictif dans cette correspondance qu’elle n’enverra pas que la poupée elle-même ne l’est.

Chez Fuentes, le nom de la poupée vient du poème de Nerval que traduit l’un des narrateurs, et fait d’elle d’emblée un personnage fictif, et la femme du Desdichado, double du poète. Mais cet ancrage littéraire débouche très vite sur une réalité autrement plus tangible et troublante, car la fiction poétique s’anime :

« je crois en quelqu’un qui n’existe pas. Puis elle me caresse. Elle, oui, elle croit en moi.

….

Je suis réveillé par l’égratignure en plein visage. Je porte la main à ma joue et je contemple le sang sur mes doigts. Je la vois, éveillée, assise sur le lit, immobile, en train de me regarder. Sourit-elle ? Je saisis sa main gauche avec violence : il lui manque l’annulaire. »

L’ellipse que met en valeur le double point, comme si la conséquence apparaissait celle d’une réalité manquante, à l’image même de cet annulaire porteur de l’alliance, contribue au trouble profond de cette scène de rêve ou de fantasme, dans lequel la réalité de l’immobilité se fige dans la violence du sang sur la joue. La jeune femme qu’invite le narrateur dans le passage qui suit immédiatement cette scène devient elle-même l’objet d’une contemplation plastique, et l’on ne sait plus trop ce qui relève du mannequin  dans « son double mais en femme, pâle et svelte, presque sans poitrine mais dotée d’une toison abondante, comme si la sombre profondeur du sexe devait compenser la platitude du torse adolescent » et de la réalité d’une femme.

Or le récit d’Hermine dans le roman de Frédérick insiste précisément sur la construction matérielle de cette figure : les matières manquantes pour fabriquer la peau de velours, le crin pour faire les poils et les cheveux, qu’il faut désinfecter et entasser dans le petit atelier, l’argile et tout ce que la jeune femme cherche à Munich, Berlin, Dresde, pour rassembler malgré la pénurie la matière de la femme artificielle. La matérialité, loin de s’opposer à la sensualité que dégage ce travail des mains sur le corps d’une effigie, renforce au contraire ce que la fiction a de charnel, et l’impossibilité de démêler ce qui relève du corps plastique, regardé et touché, et de la personne qui l’habite ; le peintre pour lequel elle pose régulièrement, peint-il son corps ou son être ? Il ne peint sans doute que « le passage », à travers cette femme transitionnelle qui est l’expression même de la déchirure d’une existence tissée de rêves et de réalité, de manque et d’orgueil.

Dans le récit d’Hernandez, la folie d’Horacio prend la forme de la mécanique qu’il fait installer par un autre démiurge inquiétant, le marionnettiste Facundo, entre les mains duquel il remet sa vie (« Ecoutez, Facundo, dépêchez-vous de ramener Hortense, sinon Horatio va tomber malade »). Reproduisant par de complexes mécanismes l’illusion de la vie, suivant le fantasme de L’Eve future qui voit dans les progrès scientifiques la possibilité d’une régénération de l’espèce humaine, Horacio se voue à la répétition mécanique du même à l’infini, ce qui précisément est l’inverse de la vie. Poupée de cire parmi les poupées articulées qu’il laisse manipuler par ses serviteurs, le démiurge de ce monde artificiel finit par être happé par ce monde qu’il n’a pas été capable de détruire, malgré le coup de couteau dont il a transpercé la poupée Hortense :

A peine eût-il senti cette main sur la sienne qu’il releva la tête et, raide de la nuque aux talons, il se mit à ouvrir et refermer la bouche comme un oiseau de malheur qui n’aurait pu ni croasser ni battre des ailes. Marie le saisit par le bras. Il se dégagea avec terreur et commença à pivoter sur lui-même par petites saccades comme le soir où Marie, transformée en négresse, avait poussé cet éclat de rire. Elle prit peur et cria. Horatio voulut s’enfuit et renversa l’une des religieuses ; il voulait se diriger vers le salon mais ne trouvait pas la porte de sortie. Il heurta la vitrine et ses mains se mirent à cogner contre la vitre come des oiseaux contre une fenêtre fermée. »

 La folie prend la forme d’un enfermement dans une fuite mécanique, et dans la déshumanisation d’un Horatio en « oiseau » dans la volière qu’il a lui-même construite. L’inversion est absolue : il est lui-même devenu un pantin désarticulé que touchent les mains des autres, et réduit à une impuissance que met en valeur le regard extérieur, soudain, sur sa propre personne. Devenu pleinement objet, et plus encore par le point de vue adopté dans le passage, il est touché, heurté, objet d’étonnement et de terreur.

La folie se manifeste dans ces récits, moins par la perte des frontières entre le fantasme et la réalité, à travers l’image de la poupée humaine, que par l’enfermement et l’obscurité dans lesquels plongent les personnages possédés à leur tour par l’objet qu’ils possèdent. Les mises en abîme multiples qui caractérisent ces trois récits (à travers la danse, le théâtre, le cirque, et surtout la peinture chez Frédérick, mais aussi la littérature chez Fuentes) renforcent cette inversion des rapports entre fiction et réalité, entre désir de posséder et dépossession de soi.

 

Objet du désir

La poupée est évidemment un objet du désir, comme il est un objet transitionnel dans les jeux d’enfant : ce qui a d’abord été conçu par les premiers aliénistes comme une perversion sexuelle, justement parce que la poupée appartenait aux jeux d’imitations propres à l’enfance, est une merveilleuse manifestation du pouvoir de créativité de l’adulte. Si Horatio, dans les « Hortenses », est d’emblée un personnage trouble dont la sexualité est problématique, Hernandez ne prétend pas dresser le portrait d’un pervers, mais immerger le lecteur dans les méandres du désir et de la solitude. La multiplication des doubles (Hortense et Marie-Hortense, les servantes jumelles et interchangeables) met en scène la solitude de l’homme de la maison, le « maître » des lieux et du spectacle, la souffrance de sa femme et l’impossibilité de posséder l’autre. La poupée qui semble si humaine, dont la peau est tiède sous l’effet d’un mécanisme complexe, ne fait que mettre en l’avant l’absence obsédante de l’autre. Aucun mécanisme ne fera réellement réagir la poupée aux sollicitations d’Horatio, et c’est précisément ce qui le pousse dans une quête toujours plus folle de la rendre humaine, sensible, alors même que nulle parfaite symétrie des sentiments n’existe jamais, eût-on modelé la figure aimée à sa guise.

Mais c’est dans La Poupée de Kokoschka que ce rapport de la poupée à la création est sans nul doute le plus clairement travaillé. Le peintre, comme Horatio, espère remplacer la femme absente, Alma Mahler, par son double immortel. Hermine accepte le travail, elle a besoin d’argent. Pour ne pas à son tour être absolument aliénée par cette obsession du peintre, à laquelle elle tente de résister pour ne pas s’y perdre, elle dote la poupée d’un autre nom, Eva, qui l’ancre dans l’univers du mythe. La tension qui réside dans ce roman très dense se focalise alors autour de la paternité de l’objet manufacturé, et de la résistance d’Hermine à la prédation de Kokoschka, qu’elle appelle tour à tour son « maître » ou son « client », ce qui a le mérite de mettre une certaine distance avec ses exigences folles, mais ne lui rappelle que trop la prostitution en laquelle résiste ce don de ses mains contre argent comptant. C’est finalement l’indifférence du peintre, qui oublie de la payer, qui la sauve de cette absolue aliénation au créateur, et fait d’elle le maître de la poupée qu’elle couche dans son lit. L’homme, en somme.

Car ces fictions sont troublantes à de nombreux égards. Le thème du doppelgänger, qui fait les délices de la littérature fantastique, est particulièrement sensible dans La Desdichada, à travers l’alternance des voix des deux amis que vient séparer cette figure absente de la poupée un peu trop vivante, réveillant en eux une concurrence absurde, et révélant le passage à l’âge adulte. Ils interrogent aussi, bien sûr, l’âme des objets, reprenant avec ces poupées de cire un thème cher aux surréalistes, et faisant émerger le rêve à la surface du monde réel. Mais ce qui émeut davantage dans ces récits, et me semble plus urgent, réside dans la féminité que mettent en scène ces récits, et notamment celui d’Hélène Frédérick, seul écrit par une femme, et du point de vue d’une femme.

Elle fait de son personnage un être multiple, qui crée des marionnettes et des spectacles, qui vit seule et assume son quotidien, et dont le corps peut être à la fois à elle, se prêtant à des hommes de passage, ou à d’autres, quand elle est modèle par exemple. Ces passages insistent souvent sur la souffrance du corps immobile dans l’atelier glacial, et opèrent une distanciation avec le corps : elle dit à la première personne les seins petits, les cuisses maigres. A l’inverse, c’est en prenant de longs bains dans une cuve d’eau chaude qu’Hermine semble « se rassembler » et retrouver son unité, dans un acte qui engage l’esprit et le corps ensemble.

" A plusieurs reprises vous témoignez de ce désir me voir me prendre moi-même pour modèle (pour les mains plus articulées, pour les yeux, le toucher de la peau). Maître, comprenez-vous la lourdeur de ce message? Vous me demandez d'engendrer une femme à l'image d'Alma Mahler doublée de mon image qui pourra satisfaire vos envies inavouables (bien que faciles à imaginer). Je deviens l'autre objet de vos désirs. Pourquoi ce glissement vers moi? Votre amour perdu devient-il de moins en moins réel? tandis que votre présence essaie de voler ce qu'ont signifié pour moi les hommes: une variété illimitée d'expressions d'une liberté, un mouvement sans fin, source intarissable d'une vie inédite. (...) Je suis suspendue à vous mais je ne me rendrai pas, non, pas encore. d'entre vous et moi ce n'est pas moi qui suis l'esclave." (p. 175)

La question que pose avec âpreté le travail commandé par Kokoschka est celui de sa place de sujet dans le travail de ses mains « pour» l’artiste. C’est la tension entre les exigences folles de l’artiste et la matérialité de sa tâche d’exécutante qui fait d’elle une « poupée pensante » aux mains du créateur, alors qu’elle perd de fait toute espérance d’être un objet de désir pour lui, car elle est trop pleine de conscience pour elle la surface vide sur laquelle l’artiste projette ses fantasmes. Ce statut intermédiaire est source de sa réelle souffrance, et si la question est portée par une sensibilité féminine, un regard intime, elle ne semble pas relever que du féminisme le plus étroit : si c’est évidemment l’une des questions du féminisme que ce rapport au corps, la question de ce que l’on engage de soi en prêtant, en donnant son corps relève de toute expérience humaine.

 

Dans ces trois récits, la poupée apparaît donc comme l’axe de symétrie à l’aune duquel les doubles s’affrontent et se déforment. Loin de refléter dans le miroir une image parfaite de la femme désirée et inaccessible par nature, la poupée renvoie celle de la monstruosité du désir. Désir de possession total, qui mène à la destruction et à la folie. Comme s’éloignant d’un pas léger de ces troubles effets de miroir, la silhouette maigre d’Hermine Moos promène avec l’élégance du manque assumé, comme partie intégrante de la réalité, des questionnements très profonds sur ce qui nous lie à notre corps, sur l’impossibilité de se dissocier de ce corps qui nous constitue, ou de déposséder l’autre de son corps.

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